L’indohyus, tel qu’on se l’imagine, appartenait à la famille des artiodactyles. © Carl Buell
L’histoire des baleines, comme celle de notre planète, est en partie inscrite dans les roches. Les premiers cétacés sont apparus il y a environ 50 millions d’années alors que les dinosaures avaient déjà disparus. Ils ont pour ancêtre un ancien artiodactyle, c’est-à-dire un mammifère terrestre quadrupède, ongulé, à doigts pairs, bien adapté pour la course. Les artiodactyles d’aujourd’hui (par exemple, la vache, le cochon, le chameau, la girafe et l’hippopotame) et les cétacés descendent donc d’un même ancêtre. Ils sont si proches parents que des scientifiques proposent de les fusionner dans un même ordre : les cétartiodactyles.
Des baleines terrestres
Un pakicetus, ancêtre des cétacés. © Carl Buell
Le chemin que ce mammifère terrestre a emprunté pour retourner à la mer est difficile à retracer. D’une part, les paléontologues ont longtemps cru que les mésonychidés, un groupe d’ongulés aujourd’hui éteint, étaient les ancêtres les plus probables des cétacés. D’autre part, divers indices génétiques et moléculaires montraient un lien étroit entre les cétacés et les artiodactyles, particulièrement l’hippopotame. Or, en 2001, des paléontologues ont retrouvé le « chainon manquant » : des squelettes d’animaux possédant des chevilles typiques d’artiodactyle et un crâne typique de cétacé. Les squelettes, découverts au Pakistan, sont ceux du Pakicetus, le plus ancien cétacé connu. Contrairement aux baleines d’aujourd’hui, cet animal n’était pas aquatique et ses chevilles témoignent de ses talents de coureur. Cette découverte permet d’écarter les mésonychidés comme ancêtres possibles des cétacés. Par contre, les liens entre l’hippopotame et les cétacés demeurent flous. Les hippopotames sont-ils plus près des baleines que les autres artiodactyles? Les spécialistes ne s’entendent pas.
Le chevrotain aquatique est l’animal encore vivant le plus proche d’Indohyus © Die Säugthiere in Abbildungen nach der Natur
Connaissez-vous le chevrotain aquatique? Cet herbivore d’environ 80 cm vit en Afrique. Sa particularité: il se réfugie dans l’eau pour échapper à ses prédateurs et peut y rester de 4 à 5 minutes! Le chevrotain aquatique se trouve être l’animal encore vivant le plus proche d’Indohyus, un lointain ancêtre des baleines.
En fait, Indohyus serait le chainon pour expliquer le retour à l’eau et l’apparition des premiers cétacés, comme Pakicetus. Cet herbivore semi-aquatique vivait il y a 48 millions d’années dans la région du Cachemire, en Inde, et fait partie de l’ordre des artiodactyles. Ce groupe englobe les animaux qui marchent sur les ongles (les sabots) et qui ont un nombre pair de doigts comme les girafes, les vaches ou encore les hippopotames, mais aussi les baleines!
Avec son allure entre un rat et une antilope d’une dixième de kilogrammes, la ressemblance physique avec les baleines n’est pas frappante! Pourtant, la structure de l’oreille interne, celle des prémolaires et l’orientation des yeux sont des caractéristiques spécifiques aux cétacés que l’on observe aussi sur le squelette d’Indohyus.
L’hypothèse de chercheurs de l’université d’Ohio est donc que les ancêtres des baleines seraient retournés dans l’eau plutôt pour se protéger — tout comme le chevrotain aquatique de nos jours. Les os des pattes d’Indohyus sont très denses, à l’instar des animaux qui vivent en partie dans l’eau, comme l’hippopotame. Tels des ballasts, ces lourdes jambes lui permettent de s’ancrer et donc de marcher sous l’eau. Par la suite, les premiers cétacés seraient devenus carnivores, marquant un tournant dans leur évolution. Avant cela, une autre théorie proposait que la nourriture ait motivé les ancêtres des baleines à aller vers l’eau. Retracer l’évolution des cétacés est un casse-tête fascinant, mais aussi complexe, et pas toujours clair!
Le retour à l’eau
Progressivement, les descendants de ces premiers cétacés terrestres se seraient de plus en plus tournés vers le milieu aquatique, dans certains cas pour s’y réfugier en cas de danger ou alors pour y manger, d’abord de la végétation puis exclusivement des animaux. Comme les artiodactyles actuels sont tous herbivores, des biologistes croient que les cétacés seraient apparus parce que certains herbivores de ce groupe auraient changé de diète pour devenir carnivores. Toutefois, cette thèse ne fait pas l’unanimité. Certains scientifiques parlent plutôt d’un ancêtre omnivore. Le trajet parcouru est encore flou et il manque plusieurs morceaux à ce complexe casse-tête.
Vivre dans l’eau
Les baleines que nous connaissons aujourd’hui sont extraordinairement adaptées à la vie aquatique. Des millions d’années en mer ont favorisé des transformations favorables à la vie dans ce nouvel environnement. Les narines, devenues des évents, sont désormais situées sur le dessus de la tête. Les membres postérieurs ont disparu et les membres antérieurs se sont modifiés en nageoires. Le corps a perdu sa fourrure et presque tous ses poils. Il est fuselé. Une queue horizontale, propulseur puissant, s’est attachée à la colonne vertébrale. Ces adaptations cachent bien la parenté qui existe entre les baleines et leurs plus proches parents actuels. Mais les baleines sont bien, comme nous, des mammifères. Elles possèdent des poumons et respirent de l’air. Elles ont le sang chaud, c’est-à-dire qu’elles maintiennent leur température interne à un degré constant, soit 37°C. Leur petit se développe dans l’utérus de la mère, qui le nourrit directement par l’intermédiaire du placenta. Elles allaitent leur petit.